Perception des critiques internationales en Israël : enjeux juridiques, politiques et sociaux

Une réception réservée aux accusations de génocide dans la société israélienne

Selon le professeur de science politique Denis Charbit, l’accusation de génocide formulée par une commission de l’ONU rencontre peu d’écho en Israël. Dans l’esprit collectif, ce terme évoque principalement des massacres de masse, comme ceux de la Shoah.

Il souligne que pour la majorité des Israéliens, un génocide correspond à une extermination massive de six millions de personnes, comme lors de la Shoah, et non à des chiffres plus faibles tels que 60 000 victimes. « Un génocide, c’est 800 000, deux millions, voire six millions comme la Shoah, ce n’est pas 60 000 personnes », déclare-t-il.

Une utilisation polémique du terme et ses implications juridiques

Selon lui, l’accusation de génocide sert souvent de repoussoir plutôt que d’outil d’éclaircissement, et n’aide pas la société israélienne dans son opposition à la guerre. Sur le plan juridique, l’historique montre que des cas comme Srebrenica, où environ 8 000 personnes ont été tuées, ont été reconnus comme génocide. Pour la société israélienne, seul un tribunal peut établir juridiquement cette qualification.

Il rappelle aussi que des avis issus de commissions internationales ou de personnalités comme journalistes ou philosophes peuvent exprimer leur point de vue, mais que la décision de qualifier un massacre de génocide revient à un tribunal dans le cadre d’un État de droit. « Pour les Israéliens, la reconnaissance juridique doit venir de la justice », précise-t-il.

Une communication politique à double tranchant

Il considère que l’accusation de génocide n’apporte pas de soutien concret à la population israélienne opposée à l’escalade militaire. « Cette accusation sert plutôt de repoussoir. Elle n’aide en aucun cas la population israélienne qui s’oppose à la guerre », explique-t-il.

Les accusations d’antisémitisme : une stratégie politique contestée

Concernant les accusations d’antisémitisme proférées par le gouvernement israélien pour discréditer ses critiques étrangers, Denis Charbit estime qu’elles sont souvent perçues comme excessives par la société israélienne. Il souligne que ces accusations semblent parfois exploiter des sentiments antisémites latents, notamment lors d’opérations militaires ou d’offensives.

Le professeur note également que des alliés traditionnels d’Israël, comme la France ou l’Allemagne, ne partagent pas forcément cette ligne, ce qui fragilise la stratégie de discrédit par accusations d’antisémitisme. « Lorsqu’un leader comme Benjamin Netanyahu affirme que c’est de l’antisémitisme, cela ne passe pas toujours », observe-t-il.

Les enjeux économiques et sociaux face aux pressions internationales

Les sanctions potentielles de l’Union européenne commencent à susciter des préoccupations en Israël, et Denis Charbit indique que même le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait évoqué la possibilité de faire évoluer l’économie israélienne vers plus d’autarcie. Cette réflexion traduit une inquiétude croissante face aux pressions économiques et morales.

Le professeur souligne également que cette situation provoque une certaine retenue chez de nombreux Israéliens, qui évitent parfois d’afficher leur nationalité dans les pays européens, notamment pendant leurs vacances, par crainte de stigmatisation.

Les enjeux militaires et la perception du conflit

Une tension grandissante entoure l’objectif de l’offensive militaire à Gaza, avec des responsables militaires qui mettent en garde contre ses risques pour les soldats et les otages. Si une majorité de la population israélienne semble favorable à la fin de l’opération, cette opposition ne se traduit pas toujours par une marge politique claire.

Le coût humain comme point de bascule potentiel

Selon Denis Charbit, ce sont probablement les pertes militaires qui pourraient faire basculer le soutien en faveur du gouvernement. Il insiste sur le fait qu’un nombre élevé de morts parmi les soldats, notamment une centaine, pourrait provoquer une crise majeure et influencer la décision politique.

Il conclut en soulignant que la solidité du gouvernement repose encore sur la croyance, partagée par beaucoup d’Israéliens, qu’il ne faut pas céder face au Hamas, malgré les défis internes et les conséquences du conflit.

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