Darfour: 12 millions déplacés selon l’ONU — vingt ans après, la violence reprend
Crise au Darfour: 12 millions déplacés et un retour des violences
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a indiqué que le conflit a déjà provoqué 12 millions de déplacés, chiffre qui souligne l’ampleur de la crise humanitaire actuelle.
Après la guerre civile sanglante qui a frappé la région soudanaise du Darfour il y a vingt ans, le monde avait déclaré « plus jamais ça », a déploré Filippo Grandi, rappelant les violences d’aujourd’hui et dénonçant des actes d’attaque contre des populations civiles, des violences ethniques et d’autres atrocités.
Deux ans et demi après le déclenchement du conflit entre l’armée, dirigée par le général Abdel Fattah al‑Burhane, et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, les combats se concentrent désormais sur le Darfour et le Kordofan, selon Grandi dans un entretien accordé à l’AFP. Il souligne que « beaucoup de cette violence » rappelle ce qui s’est produit il y a 20 ans, avec une connotation ethnique et des pratiques telles que des femmes violées, le recrutement forcé d’enfants, des amputations et des violences contre les opposants.
La pire crise humanitaire au monde ?
En 2003, Omar el-Béchir avait lancé ses miliciens, les Janjawids, contre les populations non arabes du Darfour. Le conflit avait alors fait environ 300 000 morts et près de 2,5 millions de réfugiés. La Cour pénale internationale (CPI) poursuit des enquêtes, notamment sur des accusations de génocide. Le plus connu des Janjawids est Daglo. La guerre qu’il mène contre le chef de l’armée a déjà fait des dizaines de milliers de morts.
« C’est la pire crise humanitaire au monde », affirme Grandi, avec 12 millions de déplacés dont 4 millions ont trouvé refuge dans des pays voisins déjà fragiles.
Pourtant, le monde ne semble pas les avoir oubliés? « Soyons honnêtes, je ne suis pas sûr que le monde fasse vraiment attention », commente-t-il, ajoutant qu’il n’est pas très optimiste quant à l’impact du sommet annuel de l’ONU à New York sur la situation. Le haut-commissaire s’inquiète particulièrement pour El-Facher, capitale du Darfour-Nord et dernière grande ville encore sous contrôle de l’armée. Après 18 mois de siège par les FSR, la population y est « affamée et désespérée » et vivait l’une des situations les plus critiques du monde.
Des Soudanais font la queue à El-Facher pour recevoir de la nourriture.
Attention internationale et financement en recul
« L’opinion publique devient sélective », déclare Grandi. Comparé à il y a 20 ans, l’attention internationale est bien moindre. Les acteurs humanitaires disposent de ressources plus fragiles, notamment en raison des coupes dans l’aide étrangère américaine et d’un resserrement budgétaire européen, indique-t-il. Son message aux donateurs européens est clair : « ils commettent une erreur stratégique » s’ils privent les réfugiés d’aide dans la ceinture autour de l’Europe, car cela peut conduire à davantage de déplacements vers le continent.
Sur un autre continent, Grandi attire l’attention sur la Birmanie, théâtre d’une guerre civile meurtrière entre de multiples groupes rebelles et l’armée au pouvoir depuis le coup d’État de 2021. Même si le Soudan et la Birmanie ne font pas la une des médias, il affirme que des publics sensibles existent et s’intéressent lorsque l’on explique les souffrances. Les conversations s’ouvrent aussi sur Gaza et l’Ukraine, mais l’ONU constate que, face à tout ce qui se passe dans le monde, l’opinion publique devient parfois incapable d’absorber chaque victime et demeure sélective face à la souffrance généralisée.