Premier roman de Sarah Gysler : le chemin d’un hommage sincère face au suicide et à l’amour familial
Une histoire poignante mêlant drame familial et quête de résilience
Le deuxième roman de Sarah Gysler, intitulé « Emmenez-moi », ouvre une nouvelle étape dans son parcours d’écrivain. Publié en 2025, cet ouvrage raconte la fin tragique d’un père souffrant, ainsi que la façon dont sa fille traverse cette épreuve tout en rendant hommage à ses proches. Fin 2019, Sarah Gysler, inspirée par ses rêves de voyage, se retrouve à bord d’un bateau improvisé baptisé Dune, mais une tournure dramatique la ramène brutalement à la réalité : son père, atteint de douleurs physiques, décide de se donner la mort.
Un portrait intime d’un père fragile et d’un deuil difficile
Claude, un père discret et réservé, face à la fin
Souvent appelé simplement La Vieillerie par ses proches, Claude est un homme attaché à ses habitudes, installé depuis de longues années dans son canapé. Fan de Renaud, il se montre à la fois pudique, incapable d’exprimer ses sentiments, et quelque peu extravagué dans ses propos. Sa fille, Sarah, souligne qu’il est ce qu’elle a de plus précieux, malgré ses difficultés.
Dans une interview, Sarah Gysler confie avoir été profondément bouleversée par le départ de son père. L’un des derniers souhaits qu’il lui a formulés était de lui demander de rédiger un livre à son sujet, peut-être la façon la plus sincère qu’il ait trouvée pour lui faire ses adieux. Ce projet a permis à l’auteure de garder le cap dans un contexte de douleur intense.
Une narration empreinte d’humour et de sincérité face à la tragédie
L’histoire de « Emmenez-moi » tourne autour de l’attente du moment fatidique, ce qui constitue le noyau narratif de l’ouvrage. L’humour, omniprésent, sert à atténuer la gravité de la situation, sans pour autant en faire un récit dénué d’émotion. Le récit évoque notamment l’intervention d’Exit, une organisation d’aide au suicide assisté, dans l’appartement d’Épalinges en juin 2020, un moment clé dans le livre.
Les tumultes d’un deuil et la quête de reconstruction
La perte du père entraîne pour sa fille une période de dépression qui dure environ un an et demi. Pendant cette période, Sarah Gysler déploie une énergie autodidacte en regardant des documentaires sur des serial killers, en cultivant une jungle dans son salon ou en élaborant un tableau Excel géant retraçant l’histoire du cinéma mondial. Elle évoque aussi, avec une dose d’autodérision, une expérience temporaire en tant que « croque-morte », scène qui témoigne de la force de sa volonté de surmonter la douleur.
« Je pense que c’est peut-être mon seul regret dans la vie (c’est dire ma mauvaise foi !) : ne pas avoir préparé moi-même le corps de mon père. Malgré une vie parfois négligente et insouciante, je me disais que je ne vivrais probablement pas de regrets plus grands que celui-ci. »
— Extrait de « Emmenez-moi » de Sarah Gysler
Le soutien familial et la stabilité trouvée grâce à des compagnons inattendus
Malgré la tristesse, la famille ne se déchire pas complètement. La mère refait surface, un amoureux traverse aussi cette épreuve sans sombrer, et un groupe d’amis partage ses larmes en leur apportant des chansons françaises. C’est finalement un chat, Miracle, un animal aveugle et obèse, qui devient un véritable héros dans cette période, incarnant une bouée de soulagement. La scène familiale se déplace par la suite à Vevey, où la maison de la Cour de l’Avenir se transforme en un lieu de fêtes et de chants lors de sessions de karaoké thérapeutique.
Une écriture laborieuse mais libératrice, et un hommage profondément sincère
La rédaction de ce roman a duré quatre ans, marquée par la solitude et les doutes inhérents à un tel projet. Pour Sarah Gysler, il s’agit désormais d’une expérience lumineuse, une manière d’honorer la mémoire de son père. Elle précise que ce livre n’est pas une œuvre triste, mais plutôt une ode à l’amour dans l’impuissance, et un message d’espoir face à la douleur.
Initialement perçue comme une écrivaine voyageuse, Sarah Gysler a finalement choisi la voie de l’écriture intime. Après sept années d’aventures, elle se consacre désormais à ses textes avec authenticité, livrant un récit aussi bouleversant que sincère. « Emmenez-moi » laisse au lecteur une empreinte durable, celle d’un cœur qui bat encore pour ses proches, et d’une invitation à profiter de chaque instant, notamment à travers le plaisir libérateur du karaoké.