Travailleurs invisibles de l’IA générative : réalités et enjeux au Kenya

Contexte et rôle humain dans l IA générative

Dans le domaine de l IA générative, le travail humain reste indispensable pour nourrir les systèmes d apprentissage : annotation des données et modération des contenus. Des activités externalisées vers des structures locales et internationales se déploient au Kenya, un hub émergent pour ce type de tâches souvent considérées comme ingrates. Des géants de la tech tels que Meta, ChatGPT, Tesla et TikTok délocalisent une part significative de ce travail en amont de l IA.

Des tâches concrètes et indispensables

Les missions courantes incluent l annotation d images et l analyse image par image des éléments visibles dans des vidéos, comme les objets observables depuis un véhicule, ou l enseignement à un robot chirurgical de ce à quoi ressemblent des coupures et des sutures. Le principe demeure : pour que l IA puisse reconnaître un chat, des humains doivent décrire des milliers de photos.

Un rôle clé, mais des conditions lourdes

Des spécialistes expliquent que l effort humain est crucial pour former les modèles et éviter que le système n apprenne des biais ou des contenus problématiques. L intervention humaine consiste notamment à concevoir des prompts et à proposer des réponses que l IA peut exploiter lors de son apprentissage. Ce travail ne se fait pas en temps réel et ne couvre qu une fraction des questions possibles, mais il est jugé essentiel pour l apprentissage des outils.

Impact sur la vie privée et conditions de travail

Le directeur du Data Science Lab de l EPFL souligne l importance de ces contributions humaines, même si l ampleur exacte du travail reste confidentielle. Selon lui, annotateurs et rédacteurs de prompts pourraient consacrer davantage de temps que les ingénieurs et les programmeurs dans ce domaine.

Selon le récit d un annotateur kényan, l activité peut être pénible et mal rémunérée : pour soutenir sa famille, il a dû cumuler plusieurs emplois et réaliser en moyenne huit heures de travail par jour sur du contenu pornographique, en parallèle d un autre poste. Les effets sur la vie privée et le couple ont été sévères.

Conditions de travail et risques pour la santé mentale

Angela Chukunzira, sociologue à la Mozilla Foundation, dénonce le caractère indigne de nombreuses conditions de travail et les risques importants pour la santé mentale des personnes exposées en permanence à des contenus déstabilisants. Certaines perdent une part de leur sensibilité et leur perception des réalités peut être altérée.

Au premier rang se trouvent aussi les modérateurs de contenus : sur TikTok, l IA filtre environ 85 % des contenus inappropriés, mais l intervention humaine reste nécessaire pour corriger les erreurs de l IA. Un annotateur évoque le fait que certains contenus causent des traces durables et marquantes, même après leur visualisation.

Modèle fondé sur l exploitation et les recours juridiques

Mercy Mutemi, avocate à Nairobi, affirme que le secteur de l IA au Kenya repose sur un modèle d exploitation qui peut s apparenter à de la traite d êtres humains ou au travail forcé. Les procédures en cours visent notamment des entreprises de grande envergure et soulignent des mécanismes où des travailleurs sont poussés à atteindre des objectifs irréalistes et voient leur salaire réduit en cas d échec.

Face à ces enjeux, Michael Geoffrey soutient les initiatives de la Data Labelers Association, un mouvement syndical émergent qui cherche à obtenir de meilleures conditions. Meta, TikTok, OpenAI et Tesla n ont pas répondu aux sollicitations de commentateurs locaux.

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